Une équipe de recherche du CHU Sainte-Justine et de l’UdeM crée des «minifoies»

L’insuffisance hépatique aigüe est une défaillance grave du foie souvent due à un virus ou à l’utilisation inadéquate d’un médicament.

L’insuffisance hépatique aigüe est une défaillance grave du foie souvent due à un virus ou à l’utilisation inadéquate d’un médicament.

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L’équipe du Dr Massimiliano Paganelli a mis au point des «minifoies» pour sauver des enfants atteints d’insuffisance hépatique aigüe en évitant la greffe de foie.

Massimiliano Paganelli

Massimiliano Paganelli

Crédit : Centre de recherche du CHU Sainte-Justine

Le Dr Massimiliano Paganelli, hépatologue pédiatre et directeur du laboratoire de génie tissulaire et thérapie cellulaire hépatique au CHU Sainte-Justine, connaît bien la réalité des jeunes et des adultes ayant une insuffisance hépatique, puisqu’il en voit régulièrement en clinique. Ce problème de santé nécessite souvent qu’une greffe de foie soit réalisée dans les plus brefs délais. Les défis associés à ce type de situation médicale, comme la rareté d’organes disponibles, l’ont mené sur la voie de la découverte.

C’est ainsi que, avec la Dre Claudia Raggi et son équipe du CHU Sainte-Justine et de l’Université de Montréal, le Dr Paganelli a réussi à mettre au point un tissu hépatique mature à partir de cellules souches. Ayant l’apparence de timbres d’environ 10 centimètres de côté, ce tissu hépatique encapsulé composé de «minifoies» et de biomatériaux novateurs peut être produit d’avance afin d’être disponible dès qu’un besoin surgit.

Ce dispositif est ensuite implanté par laparoscopie, une chirurgie peu invasive durant à peine 10 minutes. Et les résultats préliminaires sont stupéfiants: «Du moment qu’on l’a produit, le dispositif est aussi fonctionnel qu’un foie mature, se réjouit le médecin, qui est aussi professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. Ainsi, deux heures après avoir été implanté, il prend déjà le relais de l’organe malade. Et comme les cellules sont isolées dans le dispositif, elles n’entrent jamais en contact avec le système immunitaire du patient. On élimine donc le recours aux immunosuppresseurs, nécessaires en cas de greffe, et l’on réduit le risque de complications.»

Une situation très dangereuse pour la vie de l’enfant

L’insuffisance hépatique aigüe (IHA) est une défaillance grave du foie souvent due à un virus ou à l’utilisation inadéquate d’un médicament. Parce qu’elle empêche l’organe d’éliminer les toxines de l’organisme, l’IHA nécessite souvent qu’une greffe de foie soit réalisée très vite. Et si la greffe permet de sauver des vies, il s’agit néanmoins d’une intervention qui comporte son lot de risques et de conséquences.

«En cas d’insuffisance hépatique aigüe, nous n’avons que quelques jours pour effectuer une greffe de foie, mais trouver un organe compatible dans un délai très court est souvent un défi majeur, surtout quand la maladie frappe des enfants en bas âge, indique Massimiliano Paganelli. Je me souviens d’une jeune fille canadienne ayant souffert d’une IHA en Arabie saoudite. La maladie étant trop grave pour lui permettre de rentrer à Montréal, l’adolescente a été évacuée en Europe, où elle a subi rapidement une greffe hépatique grâce à une portion du foie de son père.»

La greffe de foie et ses complications

La jeune fille en question a survécu à la transplantation et a été ensuite transportée au CHU Sainte-Justine, où elle a été prise en charge par le Dr Paganelli. Après des années, elle se porte bien, mais elle dépend de traitements continus et doit se soumettre à des contrôles périodiques.

«Il faut considérer que la greffe est une chirurgie complexe, avec encore une mortalité importante, des complications assez lourdes à court et à long termes et la prise à vie de médicaments immunosuppresseurs, explique l’hépatologue. C’est frustrant dans le cas de l’IHA, car le foie possède une excellente capacité de régénération, ce qui lui permettrait de guérir par lui-même – si seulement on était capables de garder la personne en vie le temps requis.»

Face à ces difficultés, le Dr Paganelli a voulu trouver une solution à la fois plus efficace et moins invasive. Et cette solution se trouvait du côté de la thérapie cellulaire.

«La technologie que nous avons élaborée au CHU Sainte-Justine était extrêmement prometteuse, relate le médecin chercheur. Or, pour qu’une telle innovation puisse éventuellement devenir disponible auprès des patients, nous devons faire la preuve que les processus sont sécuritaires et optimaux. Nous avons ainsi fondé Morphocell Technologies en 2018 afin d’être en mesure de développer la technologie et les procédés nécessaires pour produire et réaliser des tests à plus grande échelle. Notre objectif a toujours été d’aider nos patients et de sauver des vies.»

Aujourd’hui, cette thérapie cellulaire nommée ReLiverMC fait ses preuves. Les essais cliniques ont démontré qu’elle accélère la régénération du foie. Dès que ce processus est complété, le «timbre» est simplement retiré et le foie, guéri. «À terme, j’ai confiance que nous serons en mesure d’éviter jusqu’à 80 % des greffes de foie chez nos patients atteints d’IHA», se félicite le médecin.

Innover au bénéfice des patients: des essais cliniques prometteurs

«Finalement, nous avons réussi à sauver cette jeune fille hospitalisée d’urgence en Europe. Mais je me dis que, si notre technologie avait été disponible à ce moment-là, nous aurions pu intervenir plus rapidement et avec moins de risques, sans même qu’il soit nécessaire qu’elle quitte l’Arabie saoudite, où elle aurait pu être traitée et poursuivre sa vie avec son propre foie», mentionne Massimiliano Paganelli.

La technologie en est actuellement au stade préclinique et ne peut donc pas encore être proposée aux patients. Néanmoins, les dernières nouvelles ont de quoi réjouir: l’entreprise a annoncé aujourd’hui un nouveau financement majeur de 50 M$ provenant de fonds privés. Cet investissement permettra de terminer le développement préclinique et de réaliser le premier essai clinique afin de confirmer la sécurité des procédés et la possibilité d’une future implantation à l’échelle internationale. Un essai clinique sur des adultes atteints d’IHA devrait débuter en 2026 et le Dr Paganelli espère que des patients pourront bénéficier du traitement l’année suivante. Si les essais sont concluants, le souhait de l’hépatologue est que cette innovation profite dès que possible aux enfants.

Pour Anne-Marie Alarco, directrice adjointe à l’innovation au CHU Sainte-Justine, cette réussite démontre l’immense potentiel d’innovation en santé de l’établissement hospitalier: «Le Dr Paganelli a fait l’audacieux pari de changer les choses. S'appuyant sur son expérience de chercheur et de clinicien, il porte avec brio à travers Morphocell Technologies la maturation d'une innovation transformative pour nos petits patients.» À plus long terme, l’ambition est d’explorer le potentiel de cette innovation pour traiter d’autres affections du foie, notamment les maladies chroniques, et même soigner d’autres organes.

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