Violence dans les jeux vidéos: pas de panique!

  • Forum
  • Le 10 juin 2021

  • Mathieu-Robert Sauvé
Christopher Noël, qui a longtemps travaillé dans le secteur du jeu vidéo, veut d’abord proposer une définition du jeu vidéo violent, un aspect qui n’a jamais fait consensus.

Christopher Noël, qui a longtemps travaillé dans le secteur du jeu vidéo, veut d’abord proposer une définition du jeu vidéo violent, un aspect qui n’a jamais fait consensus.

En 5 secondes

Un chercheur de l’Université de Montréal se penche sur la théorie du jeu vidéo violent.

Vous êtes sur une planète lointaine et voyez surgir des zombies et des monstres menaçants; heureusement, vous êtes armé et vous abattez vos assaillants avant qu’ils vous éliminent.

Voilà le scénario du jeu vidéo DOOM, lancé en 1993 et passé à l’histoire pour avoir été l’un des premiers du genre à placer le joueur en «vue subjective», c’est-à-dire comme s’il était directement sur le terrain à tenir l’arme; en anglais, on dit d’ailleurs «Doom-like game». «C’est un jeu excessivement violent; c’est pourquoi il m’intéresse», commente Christopher Noël, qui met la dernière main à sa recherche de maîtrise en cinéma, option Études du jeu vidéo, à l’Université de Montréal.

La violence dans les jeux vidéos est un sujet qui polarise l’opinion publique; pour les uns, c’est un divertissement qui n’a aucune influence sur la personnalité des usagers, alors que, pour les autres, c’est une introduction aux comportements agressifs. Le fait que des tueurs ont révélé avoir été adeptes de jeux violents n’a rien fait pour calmer les esprits. Christopher Noël, qui est joueur depuis la petite enfance, loge à la première enseigne. «Je serais incapable de tuer une souris, d’ailleurs je suis végétarien», dit-il en riant.

Mais ce n’est pas sur cet aspect que porte sa recherche, comme il l’a expliqué au concours maison de Ma thèse en 180 secondes en mai dernier, dans une présentation qui lui a valu la deuxième place au volet anglais. Il se penche sur un aspect théorique de ce type de jeu. Selon son hypothèse, il existe une «esthétique» propre au jeu vidéo violent sur laquelle il faut se pencher afin de mieux en comprendre les fondements.

Esthétique de la violence

Sous la direction du professeur Bernard Perron, du Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques, l’étudiant – qui a longtemps travaillé dans le secteur du jeu vidéo – veut d’abord proposer une définition du jeu vidéo violent, un aspect qui n’a jamais fait consensus. «Les recherches en psychologie restent vagues quant à la définition des caractéristiques du jeu violent», déplore-t-il.

Même si ses travaux ne sont pas terminés, il croit que la sensation «de vie ou de mort» qui accompagne le joueur plongé dans l’action entraîne une sorte de dépendance. «On veut tout faire pour éviter de mourir dans le jeu», résume-t-il. Si l’on échoue, on veut à tout prix tenter sa chance de nouveau.

L’agressivité et la violence au cœur de l’évolution d’Homo sapiens pourraient être des indices de cet attachement à la vie. «Même les religions présentent la cruauté et la souffrance comme des piliers de l’âme humaine. Le crucifix montrant le Christ en croix est une image extrême de cette réalité», commente-t-il.

Pourtant, notre société est beaucoup moins violente qu’elle l’a été à d’autres moments de l’histoire et de la préhistoire. «La violence qu’on voit dans les médias n’est pas représentative de la réalité. Mais sa représentation, même aseptisée, témoigne d’un certain attachement psychologique et social à celle-ci», explique-t-il.

Vers le doctorat

Les jeux vidéos violents ont fait d’innombrables rejetons depuis la première mouture de DOOM. Grand Theft Auto, qui a vu le jour en 1997, consiste à voler une voiture en repoussant les assaillants à grands coups de feu. Le très populaire Fortnite (2017) est un jeu où il faut tuer les 99 adversaires pour gagner! «Même s’il n’y a pas de sang et de cadavres, c’est extrêmement violent!» indique M. Noël.

Le travail du chercheur consiste à présenter une revue de la littérature sur les études vidéoludiques, qui s’ouvrent sur les travaux en psychologie de la perception et de la cognition, ainsi que sur les émotions humaines.

L’étudiant prévoit déposer son mémoire à la fin de l’été. Par la suite, il poursuivra ses travaux de recherche à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Son sujet est déjà trouvé: concevoir lui-même un jeu vidéo qui permettra d’approfondir certains concepts abordés à la maîtrise.

Sur le même sujet

jeu violence recherche